Laura Ben-Ibgui, Executive Vice President et Head of France – hotels capital markets chez JLL, livre ses prévisions pour les prochains mois du marché de l’investissement hôtelier, à la lumière du bilan 2024 du secteur et des dynamiques en cours.
Check-in : Quelles perspectives attendez-vous en 2025 pour le marché de l’hôtellerie ?
Laura Ben-Ibgui : Après une année contrastée pour les exploitants, 2025 s’annonce dynamique. À l’échelle EMEA, JLL anticipe une hausse de 15 % des volumes investis, et la France devrait bénéficier de cette tendance favorable. Plusieurs appels d’offres sont déjà en cours, notamment sur le secteur de l’entrée de gamme. Dans un contexte économique toujours tendu, ces opérations illustrent la volonté de nombreux acteurs de trouver de nouveaux partenaires financiers ou d’explorer des issues stratégiques pour des relais de croissance.
L’année 2025 doit-elle faire oublier 2024 ?
Je serais plus nuancée. En 2024, l’hôtellerie française a continué à capter d’importants capitaux, avec près de 2,5 Mds€ de transactions – hors opération de remembrement entre Covivio et AccorInvest (786 M€). Sur ce total, 92 % concernent des actifs unitaires, les portefeuilles étant quasiment absents (8 %). Paris concentre à elle seule deux tiers des volumes investis. Ces transactions structurantes sont en majorité pilotées par des fonds étrangers, notamment asiatiques. Entre 2023 et 2024, les capitaux internationaux ont quasi doublé dans l’hôtellerie tricolore, passant de 32 % à 56 % du volume total investi.
Sans grande surprise, la très grande majorité des transactions portaient l’an dernier sur les murs et fonds de commerce…
Cette situation s’explique par un univers de taux profondément transformé, une collecte plus limitée, et des institutionnels davantage concentrés sur l’asset management que sur l’investissement. Dernier enseignement : sur les segments 4 étoiles + et 5 étoiles, le cap de valorisation de plus d’un million d’euros par clé devient la norme.
Comment la France se place-t-elle par rapport à d’autres pays européens ?
La France reste dans le top 3 des pays européens où il s’échange le plus de capitaux dans l’hôtellerie. Si historiquement ce podium était composé du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la France avant Covid, aujourd’hui, le marché hôtelier allemand a cédé sa place à l’Espagne. Le Royaume-Uni conserve la première place, animé par des fonds de private equity qui ont des durées de détention plus courtes que des propriétaires patrimoniaux.
Comment expliquer la robustesse de ce segment alternatif ?
Alors que le bureau connaît un net repli (4,7 Mds€ investis en 2024), la logistique prend l’avantage (5 Mds€), et l’hôtellerie tire son épingle du jeu avec 11 % du volume global investi. Cette résilience repose sur plusieurs facteurs : une reprise rapide post-Covid, une demande soutenue malgré les tensions géopolitiques, et le durcissement réglementaire local envers Airbnb dans plusieurs capitales européennes, qui renforce l’attractivité des hôtels. Par ailleurs, les investisseurs privés et family offices bénéficient de leviers fiscaux attractifs sur ce segment, leur permettant de diversifier leur patrimoine au-delà du bureau.
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